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Dark shadows

Publié le par CHRISTOPHE LEFEVRE

Dark shadows 1
 
Synopsis
 
En 1752, Joshua et Naomi Collins quittent Liverpool, en Angleterre, pour prendre la mer avec leur jeune fils Barnabas, et commencer une nouvelle vie en Amérique... Vingt années passent et Barnabas (Johnny Depp) a le monde à ses pieds, ou du moins la ville de Collinsport, dans le Maine. Riche et puissant, c’est un séducteur invétéré… jusqu’à ce qu’il commette la grave erreur de briser le cœur d’Angelique Bouchard (Eva Green). C’est une sorcière, dans tous les sens du terme, qui lui jette un sort bien plus maléfique que la mort : celui d’être transformé en vampire et enterré vivant. Deux siècles plus tard, Barnabas est libéré de sa tombe par inadvertance et débarque, en 1972, dans un monde totalement transformé… 
 
Fiche techniqueDark shadows - Affiche
 
Film américain
Année de production : 2012
Durée : 1H53
Réalisation : Tim Burton
Scénario : Seth Grahame-Smith
Image : Bruno Delbonnel
Avec Johnny Depp (Barnabas Collins), Michelle Pfeiffer (Elizabeth Collins Stoddard), Helena Bonham Carter (Docteur Julia Hoffman), Eva Green (Angelique Bouchard), Chloë Grace Mortez (Carolyn Stoddard)...  
 

 
Critique 
 
Bonne nouvelle ! Les vampires ne sont pas ces créatures désincarnées décrites par Stephenie Meyer dans Twilight, la Saga du désir interdit, dont le discours subliminal sur l’abstinence sexuelle est avant tout une propagande sournoise destinée à instiller dans l’esprit de ses fans –surtout adolescents- les préceptes rétrogrades de la morale mormone. Pour se convaincre que la chair des morts-vivants suceurs de sang palpite encore, il suffit de remarquer le regard de Barnabas contemplant le décolleté généreux d’Angelique : de toute évidence, ils ont encore soif de vie (et de bien plus !)… 
 
Par la même occasion, Tim Burton nous prouve qu’il est, lui aussi, bien vivant, contrairement à ce que prétendent -avec une once de mauvaise foi- certains commentateurs. Je parle de mauvaise foi, car on reproche depuis quelques années à ce cinéaste tout et son contraire. Lorsqu’il explore un nouvel univers esthétique (Alice au pays des merveilles, injustement méprisé), on dit qu’il perd son âme. Quand il revient au style et aux thématiques qui ont fait son succès, on l’accuse de se répéter, de tourner en rond. Des critiques antithétiques qui me semblent plus relever de l’iconoclastie primaire que de l’analyse impartiale. En témoignent les propos de certains détracteurs de Dark shadows, qui avouent qu’ils seraient moins sévères s’il était signé d’un autre réalisateur, moins prestigieux. Je crois pour ma part que la qualité d’un film ne peut pas être à géométrie variable. Elle dépend de critères objectifs (mise en scène, scénario, photographie…), non pas de la réputation de son auteur… 
 
Dark shadows 2 
Ainsi, après avoir été exagérément encensé dans un passé récent, Tim Burton est-t-il aujourd’hui vilipendé plus que de raison. L’attitude d’une partie du public à son égard est sans doute le reflet de la manière qu’a la société actuelle d’appréhender le monde de l’art. Une manière qui s’apparente au flux et au reflux des marées : s’y succèdent des vagues d’enthousiasme irraisonné et de désamour tout aussi insensé. Ce zapping intellectuel oublie qu’une œuvre –au sens global du terme- se construit sur la durée. Ce ne sont pas ses sommets qui en font nécessairement la valeur, mais sa cohérence, son intelligence, sa beauté, son originalité, sa sincérité... 
 
Pour ce qui me concerne, je n’ai pas boudé mon plaisir devant Dark shadows. Ce n’est certes pas un chef-d’œuvre, ni le meilleur film de Tim Burton. Cette adaptation de la série télévisée éponyme de Dan Curtis n’en est pas moins fort réjouissante. Le cinéaste lâche la bride à son imagination extravagante, composant avec Bruno Delbonnel -Le fabuleux destin d’Amélie Poulin, Un long dimanche de fiançailles, Harry Potter et le Prince de sang-mêlé- une palette hallucinée, où se percutent ombres gothiques et couleurs psychédéliques (photo).

De son côté, Rich Heinrichs, le complice du réalisateur depuis Pee-wee big adventure, fait du manoir de Collinwood un monstre de délires baroques, avec des décors délicieusement fantasques et composites (d’antiques figures de proue voisinent avec des posters d’Alice Cooper…), dont les proportions démesurées sont encore accentuées par l’usage des contre-plongées (photo).
 
 
Dark shadows 3 
L’intrigue de Dark shadows est centrée autour du vampire Barnabas Collins, un personnage apparu tardivement dans la série, au 211ème épisode, mais devenu rapidement l’un des pivots du programme. Johnny Depp lui insuffle toute la délicieuse folie dont il est capable.

Néanmoins, ce film vaut surtout pour son casting féminin. Cinq générations d’actrices sont réunies devant la caméra de Burton. Citons tout d’abord Chloë Grace Moretz, l’une des jeunes comédiennes américaines les plus en vue du moment, avec Elle Fanning. La jeune fille fait montre une nouvelle fois de l’étendue de son talent. On regrettera seulement que son rôle d’adolescente rebelle et ambigüe ne soit pas davantage développé. Quant à sa transformation finale en loup-garou, que quelques-uns ont trouvé incongrue, il faut se rappeler que la série d’origine possédait un bestiaire fantastique très varié. Rien de déplacé, donc, dans cette métamorphose.

A ses côtés, Bella Heathcote -à l’affiche de Killing them softly d’Andrew Dominik, sélectionné cette année au Festival de Cannes- incarne à la fois Victoria Winters, la gouvernante de David, et Josette du Pres, l'épouse de Barnabas. Sa diaphanéité convient parfaitement aux deux héroïnes, presque aussi irréelles l’une que l’autre (photo).

Dark shadows 4
Je ne m'étendrai pas sur Eva Green (je parle bien sûr de sa prestation, pas de son corps…), pour ne pas donner l’impression que ma critique positive est uniquement inspirée par ses formes damnatrices, et ainsi annihiler mon préambule sur l’objectivité... Il faut toutefois bien reconnaître qu’elle possède la beauté du Diable ! Et son visage de porcelaine se craquelant, lors de l'affrontement final, est sans doute l’une des plus belles idées de cinéma de ces dernières années (elle n'est pas sans rappeller l'une des affiches de Black Swan).
   
Helena Bonham Carter, toujours aussi méconnaissable (voilà au moins une actrice qui n’hésite pas à maltraiter son image), est quant à elle absolument irrésistible en psychiatre excentrique.
De son côté, Michelle Pfeiffer se glisse dans la peau d’Elizabeth Collins Stoddard, jouée dans la série par la divine Joan Bennett, qui fut la muse de Fritz Lang (Man hunt, La femme au portrait, La rue rouge, Le secret derrière la porte). L’interprète de Catwoman (Batman : le défi) est définitivement d’une classe absolue…
         
Aussi divertissant soit-il, Dark shadows n’oublie pas d’être subversif. Burton adresse ainsi un pied de nez jubilatoire aux fadaises de Stephenie Meyer, en faisant de Barnabas et d’Angelique de véritables obsédés. Leurs retrouvailles, après deux siècles de séparation, se transforment en une étreinte dantesque où se libèrent leurs instincts les plus primaires. La vision qu’il nous donne de la famille n’est pas non plus des plus orthodoxes, et va à l’encontre des codes du cinéma américain. 
 
Dark shadows 5

Avec Dark shadows, Tim Burton nous prouve qu’il est bel et bien l’héritier des expressionnistes. Il ne reçoit cependant pas ce legs servilement. Il lui ajoute une touche d’humour très personnel. Et si le rire nait ici essentiellement des anachronismes, notamment de langage, celui-ci est heureusement débarrassé des scories vulgaires qui rendaient insupportable Les visiteurs. On ne s’en plaindra évidemment pas…

Album du film


Ma note - 3/5

A consulter : Press-book du film
 
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N
Assez d'accord avec toi : c'est un opus tout à fait agréable de Burton. Pas le meilleur mais pas de quoi le descendre en flamme.
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C
<br /> <br /> Content de ce commentaire, car j'ai le sentiment qu'on est dans un processus de déboulonnage de la statue Burton assez partial...<br /> <br /> <br /> <br />
S
Un très bon film (comparé à la généralité) mais un petit cru burtonien... 2/4
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P
Que les véritables connaisseurs me pardonnent, Christophe commence à bien me connaître. Tu vois, rien qu'en voyant la photo sans voir le titre car j'ai cliqué depuis facebook, je me suis dit "ça<br /> fait très Tim Burton". La fierté ! en fait, mon neveu en est très très fan, une de mes collègues aussi, et j'en entends souvent parler. Mais j'ai du mal quand même à regarder les films en entier,<br /> je ne sais pas pourquoi sauf Batman le défi avec Danny de Vito : horrible, tripant mais incroyable ce film. Quant aux Vampires, ça me fait peur. Je ne sais pas comment tu fais pour mettre des<br /> photos aussi belles à chaque article ! pourtant ils sont très différents tes articles : c'est mon moment de culture du soir et tu as intérêt à continuer car il me reste beaucoup de place pour<br /> remplir la case "culture" de mon cerveau. Bonsoir à tous
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C
<br /> <br /> Merci pour ce joli commentaire  Oui, c'est très caractéristique de Burton, ces images. Et c'est vraie que j'aime<br /> bien trouver quelques belles illustrations. Ca ne mange pas de pain de faire joli...<br /> <br /> <br /> <br />
W
Oui les critiques sont sévères, on en attend davantage, certes. Mais il y a aussi une certaine paresse scénaristique avec quelques errances en cours de route assez regrettables. Et sinon Eva est en<br /> effet belle à se damner :) En revanche Chloe Moretz m'insupporte au plus haut point.
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C
<br /> <br /> Pour ma part, j'y ai pris du plaisir. Et des fois, cela suffit amplement...<br /> <br /> <br /> <br />
S
Je suis assez d'accord avec vous : on passe un bon moment mais on est loin des meilleurs réalisations de Tim Burton.<br /> <br /> Si bon nombre d'admirateurs du réalisateurs le critique violemment aujourd'hui (j'en fais partie de ces contempteurs, bien que modéré) c'est parce qu'ils ne retrouvent pas le génie subversif et<br /> gothique de ces débuts mais seulement une répétition facile et superficielle de ces thèmes favoris.<br /> Ils ne retrouvent pas non plus, et c'est encore plus important, la poésie mélancolique distillée dans ces meilleurs films.<br /> <br /> Cela semble rejoindre la critique paradoxale que vous analyser de cette façon mais disons, pour éviter cette aporie : j'aime quand Burton se renouvelle et explore des chemins inhabituels mais s'il<br /> replonge dans ses thèmes gothiques de prédilection qu'il essaye également de se renouveler en changeant d'acteur principal (par exemple) et en étoffant davantage ses scénarios qui semblent un peu<br /> trop balisés ces derniers temps.<br /> <br /> Mais je continue à beaucoup aimer ce grand réalisateur.
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C
<br /> <br /> C'est le problème de quelques grands réalisateur, qui se sont créés une équipe, à laquelle ils restent presque invariablement fidèle. Je pense par exemple à John Ford. De toute façon, je connais<br /> peu d'oeuves qui ne comptent que des sommets. Du moins, lorsque l'auteur est productif. Evidemment, Malick, Kubrick, Dreyer ou Murnau, que j'admire particulièrement  peuvent, ou ont pu, à<br /> chaque fois créer l'évènement. On repoche aussi à Burton d'être trop productif. Mais s'il aime son art, pourquoi se préviserait-il ? Ford a bien fait plus de 100 films...<br /> <br /> <br /> <br />