J Edgar
Synopsis
Repéré par le procureur général Alexander Palmer (Geoff Pierson), alors qu’il vient d’être victime d’un attentat, J Edgar Hoover (Leonardo DiCaprio) va peu à peu gravir les échelons de l’administration américaine, devenant le premier directeur du Federal Bureau of Investigation. Au fil de son ascension, il fait la connaissance d’Helen Gandy (Naomi Watts), à qui il fera un temps la cour, avant de la choisir comme assistante, puis de Clyde Tolson, qui deviendra son adjoint. Et même un peu plus…
Fiche technique
Film américain
Année de production : 2011
Durée : 2h17
Réalisation : Clint Eastwood
Scénario : Dustin Lance Black
Image : Tom Stern
Avec Leonardo DiCaprio (J Edgar Hoover), Naomi Watts (Helen Gandy), Armie Hammer (Clyde Tolson), Geoff Pierson (Alexander Palmer)...
Critique
Je veux d’abord être clair. Je ne fais pas partie de ces iconoclastes qui, les années passant, renversent –par principe, la mode étant au jetable- les idoles d’hier, pour se prosterner devant de nouveaux dieux (Nolan, Fincher), qui, peut-être -je n’ose écrire j’espère !- vivront eux aussi ce que vivent les roses, l’espace d’un matin, selon la jolie formule de Malherbe, avant d’être eux-mêmes remplacés dans le cœur ingrat des cinéphiles…
Clint Eastwood connaît depuis quelques années se sort injuste. Ses dernières réalisations n’ont certes pas été à la hauteur de sa réputation, mais est-ce une raison pour le vouer au bûcher ? Il a mis en scène trente-cinq films depuis 1971, dont quelques titres inoubliables (Impitoyable, Lettres d’Iwo Jima, Mystic river, Sur la route de Madison…). Lorsque l’on mène une carrière aussi longue et riche, il est impossible de ne produire que des chefs-d’œuvre. Par comparaison, Terrence Malick –pour moi le plus grand cinéaste américain vivant, malgré la déception de The tree of life- en est seulement à cinq sur une période d’activité à peu près égale (La ballade sauvage date de 1973). Il lui est évidemment plus facile d’être constant… Bien sûr, on pourra reprocher à Eastwood sa boulimie. Du moins témoigne-t-elle de son amour du cinéma…
Clint Eastwood connaît depuis quelques années se sort injuste. Ses dernières réalisations n’ont certes pas été à la hauteur de sa réputation, mais est-ce une raison pour le vouer au bûcher ? Il a mis en scène trente-cinq films depuis 1971, dont quelques titres inoubliables (Impitoyable, Lettres d’Iwo Jima, Mystic river, Sur la route de Madison…). Lorsque l’on mène une carrière aussi longue et riche, il est impossible de ne produire que des chefs-d’œuvre. Par comparaison, Terrence Malick –pour moi le plus grand cinéaste américain vivant, malgré la déception de The tree of life- en est seulement à cinq sur une période d’activité à peu près égale (La ballade sauvage date de 1973). Il lui est évidemment plus facile d’être constant… Bien sûr, on pourra reprocher à Eastwood sa boulimie. Du moins témoigne-t-elle de son amour du cinéma…
Pour autant, si je n’oublie pas ce que le Septième art doit à certains auteurs, je ne suis pas non plus un admirateur aveugle. Il m’arrive de défendre avec ardeur certains films, parfois un peu trop vivement, comme je l’ai fait avec Les raisins de la colère face à Bastien, à qui j’adresse des excuses aussi plates que la poitrine de Keira Knightley (une association de mots qui devrait booster mon compteur de visites !). Cependant, jamais une œuvre dans sa globalité. Vous n’êtes pas près de me surprendre en flagrant délit de fanitude… sauf si on me parle d’Eva Green (mais dans ce cas, mon approche est strictement viscérale).
Aussi, ce n’est pas parce qu’il est une figure mythique du cinéma américain qu’on doit aborder chaque nouvel opus d’Eastwood avec une déférence religieuse. Or, si J Edgar est objectivement plus réussi qu’Au-delà (pas difficile, diront les esprits fielleux…), je m’explique assez mal l’accueil exagérément élogieux qui lui est quasiment unanimement réservé par la critique française (faut-il y voir une manière de s’attirer les bonnes grâces du maître, et ainsi obtenir un entretien ?).
Avec une telle entrée en matière, vous avez sans doute compris que J Edgar ne m’a pas complètement convaincu. Commençons par les critiques, afin de finir sur une note positive…
Aussi, ce n’est pas parce qu’il est une figure mythique du cinéma américain qu’on doit aborder chaque nouvel opus d’Eastwood avec une déférence religieuse. Or, si J Edgar est objectivement plus réussi qu’Au-delà (pas difficile, diront les esprits fielleux…), je m’explique assez mal l’accueil exagérément élogieux qui lui est quasiment unanimement réservé par la critique française (faut-il y voir une manière de s’attirer les bonnes grâces du maître, et ainsi obtenir un entretien ?).
Avec une telle entrée en matière, vous avez sans doute compris que J Edgar ne m’a pas complètement convaincu. Commençons par les critiques, afin de finir sur une note positive…
Le récit, organisé autour de –trop- nombreux flash-backs, est parfois difficile à suivre. D’autant que les transitions entre les époques ne sont pas toujours des plus claires. Le scénariste, Dustin Lance Black (oscarisé pourHarvey Milk) prend le parti de se focaliser sur la sphère privée de Hoover, laissant de côté, ou presque, son action à la tête du FBI. Ce qu’on peut déplorer. On aurait en effet aimé avoir la vision de Clint Eastwood sur un pan essentiel de l’histoire des Etats-Unis, dont il est l’une des incarnations culturelles (n’en déplaise à certains), comme Ford en son temps (n’en déplaise à d’autres…).
Certes, J Edgar évoque, entre deux scènes intimes, la période troublée de 1917-1920, où l’Amérique vécut dans la crainte d’une extension sur son territoire de la révolution bolchevique, ou l’enlèvement du fils aîné de Charles Lindbergh. On y croise aussi quelques figures de premier plan, tel le procureur Palmer ou Bob Kennedy...
Le contexte historique n’est toutefois pour les auteurs de ce film qu’une toile de fond. Seules comptent pour eux la relation castratrice du directeur du FBI avec sa mère et sa liaison avec son bras droit, Clyde Tolson. C’est un choix comme un autre, bien sûr. Il n’en est pas moins regrettable de ne retenir d’une personnalité qui eut autant d’influence, de pouvoir, que son supposé complexe d'Œdipe, sa prétendue homosexualité ou son soi-disant goût pour le travestissement. Qu’est-ce que cela apporte ? C’est comme si, pour retracer la vie de Talleyrand, on parlait uniquement de ses bonnes fortunes. Ou que l’on réduisait la biographie et l’œuvre de Proust à son amour démesuré pour sa mère et son inversion.
Si encore ces hypothèses –l’homme avait tellement le goût du secret que rien n’est établit formellement, ce qu’admet lui-même le réalisateur dans un entretien accordé au magazine Positif (j’ai du mal à croire qu’un homme aussi obsédé par son image ait pu s’exhiber en travesti)- servaient à éclairer la psyché de Hoover et à démontrer que sa vie privée a pu influencer ses décisions ou ses actes. Ce n’est cependant pas le cas ici. Ou alors tellement en creux que c’est à peine perceptible…
Le contexte historique n’est toutefois pour les auteurs de ce film qu’une toile de fond. Seules comptent pour eux la relation castratrice du directeur du FBI avec sa mère et sa liaison avec son bras droit, Clyde Tolson. C’est un choix comme un autre, bien sûr. Il n’en est pas moins regrettable de ne retenir d’une personnalité qui eut autant d’influence, de pouvoir, que son supposé complexe d'Œdipe, sa prétendue homosexualité ou son soi-disant goût pour le travestissement. Qu’est-ce que cela apporte ? C’est comme si, pour retracer la vie de Talleyrand, on parlait uniquement de ses bonnes fortunes. Ou que l’on réduisait la biographie et l’œuvre de Proust à son amour démesuré pour sa mère et son inversion.
Si encore ces hypothèses –l’homme avait tellement le goût du secret que rien n’est établit formellement, ce qu’admet lui-même le réalisateur dans un entretien accordé au magazine Positif (j’ai du mal à croire qu’un homme aussi obsédé par son image ait pu s’exhiber en travesti)- servaient à éclairer la psyché de Hoover et à démontrer que sa vie privée a pu influencer ses décisions ou ses actes. Ce n’est cependant pas le cas ici. Ou alors tellement en creux que c’est à peine perceptible…
Je suis aussi assez réservé sur l’interprétation. Leonardo DiCaprio est dans la performance. C’est évidemment bluffant, néanmoins cela sent trop l’exercice de style (genre Actors Studio), la course à l’Oscar, pour que l’on ne finisse pas par être agacé. Beau travail quand même des équipes de maquillage prosthétique. Du moins pour son personnage. Armie Hammer, qui incarne Tolson, n’a pas la même chance. Alors que le visage vieilli de DiCaprio est d’une surprenante plasticité, que son regard exprime étonnamment la sénescence, celui de Hammer est comme momifié. S’en est presque risible…
J Edgar offre tout de même au spectateur quelques motifs de satisfaction. On peut d’abord se réjouir que l’auteur de Gran Torino retrouve son style. On pouvait craindre en effet qu’il eût été englouti sous les vagues dévastatrices du tsunami d’Au-delà… Son chef opérateur et collaborateur de longue date, Tom Stern, signe ici une photographie élégante, avec une palette chromatique très expressive, souvent désaturée (comme dans Lettres d’Iwo Jima), mais pas seulement.
Comme je l’ai écrit, j’aurais préféré que le récit fût davantage centré sur l’action de Hoover. Je reconnais pourtant que l’évocation du lien entre le patron du FBI et son adjoint est véritablement sublimé par le scénario de Lance et la sensibilité d’Eastwood. Leur rencontre est filmée avec beaucoup de pudeur. La dernière scène, qui nous montre Hoover gisant sur le sol, a demi-nu, dépouillé de sa puissance, est également très belle, notamment en raison du geste de Tolson, qui le recouvre d’une couverture.
De petits instants de grâce, qui ne suffisent cependant pas à faire de J Edgar un élément majeur de la filmographie d’une légende d'Hollywood.
Ma note - 2,5/5
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