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Rabia

Publié le par CHRISTOPHE LEFEVRE

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Synopsis 
 
Rosa (Martina García) et José-María (Gustavo Sanchez Parra) vivent une histoire d’amour passionnée. Mais immigrés sud-américains dans une Espagne en crise, les deux jeunes gens sont en but quotidiennement aux remarques racistes de la population locale. Une situation insupportable pour José-Maria, qui un jour a une violente altercation avec un homme ayant tenu des propos désobligeants sur Rosa. Incident qui lui vaut d’être renvoyé du chantier sur lequel il travaille. L’homme perd alors le contrôle de lui-même, provoquant accidentellement la mort de son ancien chef. Pourchassé par la police, il n’aura d’autre choix, pour ne pas être éloigné de Rosa, que de trouver refuge dans le grenier de la maison où la jeune femme est employée comme domestique…
 
Fiche techniqueRabia---Affiche.jpg
 
Film mexicain, espagnol, colombien
Année de production : 2009
Durée : 1h29
Réalisation : Sebastián Cordero
Scénario : Sebastián Cordero
Image : Enrique Chediak
Avec Martina García (Rosa), Gustavo Sanchez Parra (José-María), Tania de la Cruz (Viviana), Karlos Aurrekoetxea (Le mécanicien)...
 


Critique
 
Par certains aspects, Rabia n’est pas sans évoquer Les secrets. Car, à l’instar des trois héroïnes du film de Raja Amari, José-María se cache dans une vaste demeure bourgeoise, vivant à l’écart de ses occupants, qu’il ne cesse d’épier. On retrouve également la même ambiance sombre et bleuté, teintée de fantastique (ce n’est pas un hasard si le film est produit par Guillermo del Toro). La thématique est cependant ici différente. Si la négation de la sexualité féminine est au cœur de la réflexion de Raja Amari, Sebastián Cordero s’attache davantage dans Rabia aux rapports de soumission entre maîtres et employés. Sur ce point, le cinéaste révèle avoir été très influencé par une photographie de l’artiste péruvien Martín Chambi, intitulée Novia en mansion montes. Il s’agit d’un portrait de mariage d’une fille de bonne famille. La mariée ayant émis le souhait que la gouvernante qui l’avait élevée figure sur le portrait, celle-ci fut reléguée en arrière-plan, assise dans un fauteuil en rotin, à peine visible dans la pénombre, alors que la jeune fille, en pleine lumière, pose au bas de l’escalier principal du manoir familial, vêtue d’une splendide robe. Une autre photographie de Martín Chambi, La boda de Gadea, présente à peu près la même construction, qui symbolise pour Sebastián Cordero la violence des rapports de classes dans les sociétés sud-américaines. 
 
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Mais cette chronique sociale est aussi un suspense étouffant, une fable horrifique, à mi-chemin entre Hitchcock et Buñuel, lorsque le réalisateur nous décrit l’isolement progressif de José-María, un processus qui va mener le jeune homme à l’animalité. La scène de dératisation, par le mimétisme qu’elle introduit entre le clandestin et le rat, est à cet égard saisissante. Tout comme le travail sur les sons, que l’on doit à Oriol Tarragó, qui a travaillé entre autres sur [Rec] et L'orphelinat.
 
L’interprétation constitue un autre point fort du film. La délicieuse Martina García, déjà vue dans Perder es cuestion de método (Sergio Cabrera), et prochainement à l’affiche de Biutiful (Alejandro González Iñárritu), offre dans Rabia une composition particulièrement sensible et délicate. Gustavo Sanchez Parra (bientôt dans Año bisiesto, de Michael Rowe) impressionne quant à lui dans un rôle qui allie intériorité et déchéance physique. On sera également sensible à la virtuosité de la mise en scène de Sebastián Cordero, qui, par des plans-séquences d'une rare fluidité, relie les amants à travers les étages de la maison.
 
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Signalons enfin que Rabia a été récompensé par le Prix spécial du jury au Festival du film de Tokyo en 2009 et était en compétition officielle au Festival du film de Rotterdam en 2010. 
 
Ma note - 4/5
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