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Shame

Publié le par CHRISTOPHE LEFEVRE

Shame 3     
Synopsis
 
Brandon (Michael Fassbender) vit seul dans un vaste appartement, à quelques pâtés de maisons de Wall Street. Toute son existence est organisée autour de son addiction au sexe. Mais un jour sa sœur, Sissy (Carey Mulligan), arrive sans prévenir à New York et s'installe chez lui. Brandon aura le plus grand mal à supporter cette présence, qui bouleverse ses habitudes de vie... 
 
Fiche techniqueShame---Affiche-1.jpg
 
Film britannique
Année de production : 2011
Durée : 1h41
Réalisation : Steve McQueen
Scénario : Abi Morgan, Steve McQueen
Image : Sean Bobbitt
Avec Michael Fassbender (Brandon), Carey Mulligan (Sissy), James Badge Dale (David Fisher), Nicole Beharie (Marianne)...
 


Critique
 
Ma diatribe contre le cinéma britannique -voir We need to talk about Kevin- m’avait valu quelques remontrances de la part de camarades blogueurs. Certains se disaient gênés par ma généralisation. Peut-être me soupçonnaient-ils de britannophobie… Je me garderai de démentir cette hypothétique accusation, car ce serait lui donner une importance qu'elle ne mérite pas et une forme de réalité. D’autres m’invitaient à découvrir l’œuvre de réalisateurs que je ne connaissais pas. Parmi les noms les plus souvent cités figurait celui de Steve McQueen. Je n’ai toujours pas vu Hunger. Mais avec Shame, je suis en mesure d’apprécier enfin son style. Hélas, ce n’est pas ce cinéaste qui me réconciliera avec la production cinématographique anglaise ! Sans doute me répliquera-t-on, comme pour le film de Lynne Ramsay, que l’action de Shame se situe aux Etats-Unis et que ses thématiques n’ont rien de spécifiquement britanniques. Il n’empêche, Steve McQueen est originaire de Londres et ce long métrage produit au Royaume-Uni. Il est donc représentatif de ce que ce pays est capable en matière de Septième art…
      Shame 4
   
Avant de passer aux critiques, reconnaissons tout d’abord l'élégance visuelle de Shame. Son auteur est un artiste plasticien. Cela se ressent dans la composition de chaque plan, dont le premier, très pictural, qui nous montre Brandon étendu sur un lit, le corps en partie recouvert d’un drap gris-bleu au plissé somptueux : on dirait un Christ d’une scène de Déploration. Je n’ai pas dit défloration, bande d’obsédés ! Bon, j’espère que cette boutade un tantinet impie ne me vaudra pas l’invective des catholiques intégristes, très actifs en ce moment... Mais fermons cette parenthèse.

McQueen et son chef opérateur, Sean Bobbitt (qui a surtout travaillé pour la télévision), jouent sur les contrastes entre couleurs chaudes et froides. C'est le cas, par exemple, quand Brandon attend l’ascenseur au rez-de-chaussée de sa résidence : son manteau tranche avec le fond mordoré du couloir. Il y a quelque chose de vermeerien -voir La jeune fille à la perle, par exemple- dans cette alliance chromatique antithétique. Ce qui me fait penser à un texte de Proust : Enfin [Bergotte] fut devant le Ver Meer qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu […] et la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune (La prisonnière).
    Shame 1
 
Shame convainc également lorsque McQueen met en scène la misère affective de Brandon. Son addiction au sexe est triste. Elle ne lui procure à l’évidence aucune satisfaction, si ce n’est éphémère. Car très vite, le besoin –dans son cas, ce n’est pas un désir à assouvir, avec tout ce que cela comporte de stimulation, mais une simple nécessité organique morbide à apaiser- renaît, occupant tout le champ de sa conscience. Une dépendance est une prison mentale dont on s’échappe moins facilement que d’une geôle faite de murs… 
 
Malheureusement, le réalisateur parvient si bien à nous faire ressentir la vacuité de l’existence de son héros que ce spectacle fait naître en retour un ennui assez puissant (j’ai eu le même sentiment en regardant Lady chatterley de Pascale Ferran). D’autant que ce film comprend un certain nombre de scènes sans intérêt. Au premier rang desquelles je citerai celle où l’on nous montre Brandon en train d’uriner. Non pas que je sois pudibond. Je ne vois néanmoins pas en quoi cette séquence nourrit l’histoire. Elle me paraît gratuite. Sauf à supposer que Steve McQueen ou Michael Fassbender soient paraphiles et prennent leur pied dans la pratique de l’ondinisme…

Autre moment tout aussi inutile, celui où Sissy chante New York New York. Inutile et insipide ! Car on a en tête la version de Liza Minnelli dans le film de Scorsese. En sorte que l’on a envie de bousculer un peu Carey Mulligan (même si Fassbender s’en charge très bien tout au long du film !), afin d'insuffler de l'énergie à son interprétation mollassonne de ce classique. Je sais, c'est du jazz vocal. Mais c'est d'un barbant!

 

Shame 2 
Et puis il y a ce final où la rame de métro dans laquelle se trouve Brandon est stoppée par ce que l’on suppose être une tentative de suicide. Il se rappelle alors que, quelques jours auparavant, sa sœur s’amusait à se pencher sur le bord du quai. Et de se précipiter jusqu’à son appartement, où il la trouve baignant dans son sang. Mais que le lecteur de cette chronique se rassure : il sauvera la jeune femme, devenue soudain plus essentielle à sa vie que ses hormones… Désolé pour ce spoiler, toutefois il était nécessaire pour faire comprendre le côté lourdaud de cette conclusion en totale dissonance avec ce qui précède. Comment croire, en effet, à cette brusque renaissance de l’instinct familial chez Brandon, qui un peu plus tôt dans le film a tenté d’étrangler Sissy… Steve McQueen aurait dû s’arrêter au moment où son héros regarde sur le quai de la station de métro le brancard recouvert d’un drap : cela laissait au spectateur la possibilité de construire une autre fin, moins guimauve.

    
Shame aurait dû être un vertige sensoriel. Cependant, en raison du traitement quasi clinique de son sujet, il ne provoque pas le moindre trouble. Un comble ! Pourtant, Michael Fassbender donne beaucoup. Reste un bel objet agréable à la rétine, mais aussi un brin ennuyeux. On retiendra aussi l’interprétation de Carey Mulligan, qui offre une prestation intéressante (sauf lorsqu’elle pousse la chansonnette !), a des lieues des personnages sages et timides qu'elle incarne habituellement. Bref, un film un peu vain, que certains esprits turpides ne manqueront pas de rapprocher -à tort !- de Drive (qu'à l'inverse, j'ai beaucoup aimé). Je les vois venir ! Et je me prépare à leur répondre… 
 
Ma note - 2,5/5

A consulter : Press-book du film   
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S
Me voilà rassuré !
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S
Si je ne te rejoins pas sur le cinéma britannique (mon analyse en cours du travail de Danny Boyle me convainc encore plus que c'est un cinéma génial), je suis d'accord pour "Shame". Sujet<br /> intéressant, portrait juste, très beau visuellement, mais ça manque clairement d'enjeu dramatique, et la fin est loupée. Et je me sens moins seul quand je lis que t'avais envie de secouer Mulligan<br /> quand elle chante. Cette séquence m'a été assez insupportable !
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C
<br /> <br /> Pour le cinéma british, c'est un peu de la provoc, car il y a des choses que j'aime bien quand même, même si je ne suis pas fan de toute sa veine sociale. Mais j'aime Boyle aussi. Et puis, un<br /> cinéma qui nous a donné Hitchcock, Powell et Lean ne peut pas être complètement mauvais...<br /> <br /> <br /> <br />
M
Ton argumentation était parfaite. Je ne suis juste pas d'accord :-) Tout cela est une question de sensibilité. Moi, ça ne m'embête pas les scènes froides, longues ou "inutiles" si cela sert le<br /> propos. Tant pis pour le rythme si ça fait passer par exemple l'ennui (Somewhere)... La scène quand il urine m'a plu car j'ai trouvé ça osé. J'avais rarement vu une scène aussi impudique au cinéma<br /> (encore question de sensibilité personnelle). A part l'image choc, j'imagine c'est une façon pour le réalisateur de dire au spectateur que nous allons être dans l'intimité du personnage, alors âmes<br /> sensibles, vous êtes prévenus.
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C
<br /> <br /> De ce point de vue, je veux dire nous plonger dans l'initimité du personnage, pourquoi pas. Mais il y aurait sans doute eu d'autres scènes, tout aussi chocs, qui auraient pu être davantage en<br /> rapport avec l'addiction du personnage.<br /> <br /> <br /> <br />
N
C'est marrant moi je ne me suis pas du tout ennuyé pendant le film. Je l'ai trouvé comme tu l'as dit plastiquement réussi et l'interprétation des acteur et actrice m'a assez convaincu. Non, j'ai<br /> bien apprécié le film finalement.
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C
<br /> <br /> J'ai vu ta critique... et tes 4 étoiles...<br /> <br /> <br /> <br />
M
J'ai préféré 'Shame' à 'Drive' car justement l'addiction au sexe m'intéresse plus qu'un film de réglement de compte entre mafieux. J'ai lu ton article et j'avoue ne pas comprendre totalement ton<br /> argumentation. Je sais pas ce que McQueen aurait pu faire différemment pour mieux atteindre son but. Tu reproches peut-être au film d'être froid et cru mais il est à l'image de la vie et du coeur<br /> de notre accro au cul. @+
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C
<br /> <br /> Je lui reproche effectivement d'être froid, ce qui est un comple pour un film sur le sexe. Cru ? Il m'en faut plus pour être choqué. Simplement gratuit. Explique-moi à quoi ça sert de voir pisser<br /> Brandon ? McQueen aurait pu montrer des scènes de sexe non simulées, j'aurais compris, mais là, c'est complaisant, car cela ne sert pas l'histoire. Et puis la fin ! Tu ne la trouves lourde ?<br /> Enfin, l'addiction au sexe me laisse complètement indifférent, donc c'est vrai que je n'ai guère vu d'intérêt à ce film. Mais je ne vois pas où mon argumentation pose problème ? Je reconnais que<br /> McQueen rend bien la vacuité de l'existence de la vie de Brandon. Mais justement, quand une vie est vide, on s'ennuie. Et cela n'a aucun intérêt de la mettre en scène. C'était la même chose pour<br /> Somewehre ou pour Lady Chatterley. S'ajoute à cela l'inutilité de pas mal de scènes, comme je viens de le dire. Donc, je me suis emmerdé sérieusement, même si c'est beau. Au moins, Drive avait du<br /> rythme.<br /> <br /> <br /> <br />