La dame en noir (The woman in black)
Synopsis
Arthur Kipps (Daniel Radcliffe), jeune notaire, est obligé de se rendre dans le petit village de Crythin Gifford pour régler la succession d’une cliente récemment décédée. Dans l’impressionnant manoir de la défunte, il ne va pas tarder à découvrir d’étranges signes qui semblent renvoyer à de très sombres secrets. Face au passé enfoui des villageois, face à la mystérieuse Dame en noir qui hante les lieux et s’approche chaque jour davantage, Arthur va basculer dans le plus épouvantable des cauchemars…
Fiche technique
Film britannique, canadien, suédois
Année de production : 2012
Durée : 1h35
Réalisation : James Watkins
Scénario : Jane Goldman
Image : Tim Maurice-Jones
Avec Daniel Radcliffe (Arthur Kipps), Ciarán Hinds (Daily), Liz White (Jenet), Alexia Osborne (Victoria Hardy), Molly Harmon (Une fille de Fisher)...
Critique
Est-ce la résurrection de la Hammer, la mythique société de production anglaise, qui fit les beaux jours du film de genre dans les années 1950-1960, avant de connaître une période de quasi-inactivité ? Après avoir produit Laisse-moi entrer, remake inutile mais pas infâmant du chef-d’œuvre de Tomas Alfredson, Morse, elle nous livre ici une production ambitieuse, avec le talentueux James Watkins aux commandes, l’auteur du terrifiant Eden Lake. Et le résultat laisse entrevoir des lendemains qui chantent. La dame en noir redonne en effet ses lettres de noblesse au cinéma gothique, assez dévoyé ces derniers temps…
Cette adaptation du roman éponyme de Susan Hill -qui bénéficie par la même occasion d’une publication en France aux éditions de L’Archipel, dix-neuf ans après sa sortie en Angleterre (il n’est jamais trop tard pour bien faire !)- ne bouleverse certes pas le genre, même s'il lui insuffle une violence qui lui est propre. En ce sens, je suis en apparente contradiction avec ma critique de Chronicle (je préfère prendre les devants, avant que des esprits malveillants ne me cherchent querelle sur mes incohérences), dont je stigmatisais l’absence d’originalité. Cependant, James Watkins se montre respectueux de son public. Ce qui le distingue de cette race -le mot est suffisamment détestable pour que j’aie soin de le mettre en italique- d’escrocs du found footage qui sévissent depuis de trop nombreuses années et contre lesquels j’ai décidé d’entrer en croisade...
Le cinéaste britannique maîtrise son sujet, que ce soit sur le plan esthétique ou narratif. Visuellement, La dame en noir est de fait d’une rare élégance. Cela fait du bien, surtout à une époque où certains réalisateurs -c’est à contrecœur que je leur accorde ce statut- ne semblent avoir d’autre but que de faire les poches des spectateurs en leur proposant des films tournés dans un état ébrieux évident.
Watkins, quant à lui, connaît ses classiques. Je sais, pour quelques-uns, s’inscrire dans la tradition relève presque de la faute de goût (je fais allusion à quelques jugements un peu trop tranchants portés sur Cheval de guerre). Il n’empêche, convoquer Murnau et l’expressionnisme -pour le subtil jeu sur les ombres- ou Sjöström et sa Charrette fantôme (photo), cela à plutôt de la gueule. De plus, ce choix répond à une logique : la plastique gothique a ses codes. Je ne dis pas que l’on ne peut pas les faire voler en éclats. Toutefois, pour cela, il faut s’appeler Kubrick, l’un des rares auteurs à avoir réinventer tous les genres qu’il aborda. Révolutionner par principe n’a en soi aucun intérêt. Je préfère une orthodoxie formelle de qualité -je sais, je suis un incurable conservateur en matière d’expression artistique !- à des expériences ratées.
Watkins, quant à lui, connaît ses classiques. Je sais, pour quelques-uns, s’inscrire dans la tradition relève presque de la faute de goût (je fais allusion à quelques jugements un peu trop tranchants portés sur Cheval de guerre). Il n’empêche, convoquer Murnau et l’expressionnisme -pour le subtil jeu sur les ombres- ou Sjöström et sa Charrette fantôme (photo), cela à plutôt de la gueule. De plus, ce choix répond à une logique : la plastique gothique a ses codes. Je ne dis pas que l’on ne peut pas les faire voler en éclats. Toutefois, pour cela, il faut s’appeler Kubrick, l’un des rares auteurs à avoir réinventer tous les genres qu’il aborda. Révolutionner par principe n’a en soi aucun intérêt. Je préfère une orthodoxie formelle de qualité -je sais, je suis un incurable conservateur en matière d’expression artistique !- à des expériences ratées.
Pour ce qui est des codes, La dame en noir ne déçoit pas : une énigmatique demeure -Cotterstock Hall, dans le Northamptonshire- perdue sur une île coupée du monde par le flux et le reflux des marées, un jardin à l’aspect fantastique, où la végétation -que l'on imagine composée d'asphodèles- se mêle aux pierres tombales dans une étreinte surnaturelle, une brume dont l’omniprésence a quelque chose d’oppressant. James Watkins a le souci du détail, mais ne pèche pas par excès, sauf peut-être lorsque Kipps passe la nuit seul dans le manoir. Les effets sont un peu redondants et le recours aux jumps scares sans doute abusif. Néanmoins, l’atmosphère ainsi créée est assez trouble et visqueuse pour submerger le spectateur, à l’image des marais ayant happé le fils de Jenet.
L'adaptation de Jane Goldman (Kick-Ass, L'affaire Rachel Singer) se déploie avec beaucoup d'efficacité. En particulier grâce à un prologue glaçant. Assurément l’un des plus immersifs de ces dernières années : trois petites filles dans leurs robes aux couleurs pastel et aux délicats visages de porcelaine qui, soudainement, abandonnent leurs jeux enfantins et innocents pour répondre au terrible appel de la Dame en noir. Une séquence qui nous signifie immédiatement qu’on est dans un conte horrifique. Tout comme celle mettant en scène une jeune fille s’immolant dans la cave où ses parents la maintenaient recluse, à l’abri de la vengeance de Jenet. Cette scène évoque d’ailleurs un plan, tout aussi effroyable, d’Eden Lake. Et l’on est en droit de s’interroger sur cette représentation de l’enfance chez Watkins. Dans son premier film, les enfants sont des monstres. Ici, poussés au suicide, ils meurent dans d’épouvantables circonstances. Quel trauma a-t-il pu subir dans sa jeunesse ? Il assure dans une interview qu’il s’agit d’une simple coïncidence. Une telle approche interroge quand même…
Le final est également très réussi, en raison de son ambivalence, qui fait naître la lumière -Stella, l’épouse décédée d’Arthur, toute de blanc vêtue- de l’ombre (Jenet, la Dame en noire). Mais cette ambigüité n’est qu’apparente, car elle est pour moi métaphorique du long et difficile travail de deuil, et notamment de la résilience, où ce qui était cause de souffrance devient une expérience de vie, une ressource, presqu’un apaisement…
Un mot, avant de conclure, sur l’interprétation. Ceux qui me lisent savent ce que je pense de la saga Harry Potter. Je terminais ma critique de son ultime volet sur ces lignes un brin péremptoires : L’interprétation de Radcliffe a toujours été d’un fade ! Il faut donc que je révise mon jugement sévère sur l’ancien pensionnaire de Poudlard. Car Daniel Radcliffe propose ici une belle prestation. Pourtant, avec son air encore juvénile, il n’était pas a priori le plus crédible pour incarner un père de famille torturé par la mort de sa femme. Il retrouve ici son partenaire d’Harry Potter et les reliques de la mort, le toujours excellent Ciarán Hinds. Pour l’acteur irlandais, ce début d’année est particulièrement riche et varié (ou inégal, c'est selon le point de vue) : Ghost rider 2 : l’esprit de vengeance, John Carter et surtout La taupe.
Espérons que le succès de cette nouvelle production signée Hammer -plus de 50 millions de dollars de recettes au 11 mars sur le territoire américain, pour un budget estimé à 17 millions (source IMDB)- marquera la véritable renaissance de ce studio.
Au fait, avez-vous noté que je viens de dire du bien d’un film britannique ? La preuve que je ne suis pas un triste sire -le nom d'un groupe de rock alternatif d'inspiration gothique...- anglophobe…
Ma note - 3/5
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