Derrière les murs
Synopsis
Suzanne (Lætitia Casta), écrivain en panne de créativité depuis la mort de sa fille, part s’installer dans une maison isolée, dans la campagne auvergnate. Son éditeur espère que ce nouvel environnement lui fera oublier son deuil et lui redonnera le goût d’écrire. Un espoir bientôt satisfait, puisque l’inspiration lui revient dès qu’elle découvre dans le sous-sol de la vieille demeure une cave murée. Cependant, dans ce lieu inquiétant où elle se retire chaque nuit, ce ne sont plus des histoires sentimentales qu’elle imagine, comme au temps de son bonheur, mais des récits horrifiques, qui ébranlent encore plus sa raison rendue déjà défaillante par ses abus d’absinthe et de laudanum. La jeune femme finit par être victime d’hallucinations. Or, dans le même temps, plusieurs disparitions d’enfants sont enregistrées dans la région, dont la petite Valentine, la fillette à qui elle apprend à lire (Emma Ninucci). La Parisienne , comme la surnomme avec animosité certains habitants du village voisin, notamment la femme du maire, qui craint de voir son mari succomber aux charmes de la romancière, ne serait-elle pas responsable de ces évènements dramatiques ? Suzanne, qui est au bord de la folie, n’est pas loin de le croire elle aussi…
Film français
Critique
Premier long métrage de Julien Lacombe et Pascal Sid (les deux hommes ont déjà à leur actif plusieurs courts), Derrière les murs aborde un genre peu goûté par les cinéastes hexagonaux : l’horreur psychologique. C’est donc une curiosité. Et même un peu plus. Car le tandem réussit son examen de passage. Sans chercher à faire le buzz, comme tant de films de genre à petit budget depuis Le projet Blair Witch, avec une caméra et un montage apaisés, loin des tentations schizophréniques à la mode, tout en évitant les excès gores et malsains, les deux réalisateurs parviennent en effet à créer une ambiance digne d’un roman de Lovecraft. Il faut dire que Derrière les murs ne manque pas de qualités esthétiques. Notamment dans le traitement des scènes nocturnes, de toute évidence influencées par L’orphelinat, de Juan Antonio Bayona.
Julien Lacombe et Pascal Sid surprennent également dans leur manière d’aborder la 3D. J’ai eu maintes fois l’occasion (Pirahna 3 D, The green hornet, Tron : l'héritage…) d’affirmer mon peu d’intérêt pour cette technologie, qui est pour moi surtout une attraction de foire. Pourtant, cette fois, j’ai été séduit par la discrétion des effets. Ici, rien de spectaculaire (lorsqu’une pierre est lancée dans un carreau, on ne reçoit pas à la figure des éclats de verre...), simplement une profondeur de champ accentuée, comme dans la vie, pourrait-on dire. Une vision au naturel qui donne, enfin, sa justification à la 3D et permet de plonger véritablement au cœur de l'intrigue, donc de ressentir pleinement les tourments de l'héroïne.
Autre bonne surprise : l’interprétation de Lætitia Casta. Jusqu’à Gainsbourg, vie héroïque, où elle incarne Bardot, elle n’était pour moi qu’une -très- jolie fille récitant maladroitement un texte. Le film de Joann Sfar laissait cependant entrevoir une évolution dans son jeu. Mais le personnage qui lui était alors confié était fait pour elle. De plus, elle ne faisait qu'une apparition. Là, elle se voit confier un vrai rôle dramatique, dense, tout en intériorité. Et force est de reconnaître qu’elle s’en sort avec brio. J’ai toujours pensé que l’art de l’acteur ne s’apprend pas. Il semble toutefois qu’une sincère passion -dont on ne peut guère douter dans le cas de Casta, qui s’est risquée plusieurs fois au théâtre- soit un moteur suffisant pour progresser.
Même si le scénario de Derrière les murs s’égare par instant sur des chemins sans issue (on s’interroge un peu sur l’intérêt du personnage joué par Thierry Neuvic) et si la direction d’acteur est parfois hésitante (Jacques Bonnaffé n’est pas complètement convaincant), cette première œuvre sans esbroufe a tout pour séduire le spectateur. Une belle découverte, à laquelle j'attribue une note certes un peu généreuse, néanmoins le pari risqué (film de genre, 3D...) de Julien Lacombe et Pascal Sid mérite d'être salué. Un peu comme celui d'Eva Ionesco avec My little princess…
Ma note - 3/5