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Les crimes de Snowtown (Snowtown)

Publié le par CHRISTOPHE LEFEVRE

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Synopsis
 
Jamie (Lucas Pittaway), 16 ans, vit dans une banlieue déshéritée d’une petite ville d’Australie-Méridionale. C’est un adolescent mal dans sa peau, victime d’un voisin pédophile et d’un frère dégénéré. Mais tout change lorsque John Bunting (Daniel Henshall), le nouveau compagnon de sa mère (Louise Harris), débarque dans sa vie. L’homme exerce bientôt sur le jeune garçon, qui n’a jamais connu son père, un grand pouvoir de séduction. Une fascination qui va l’entraîner dans un maelström de violence… 
 
Fiche techniqueLes-crimes-de-Snowtown---Affiche.jpg
 
Film australien
Année de production : 2011
Durée : 1h59
Réalisation : Justin Kurzel
Scénario : Justin Kurzel, Shaun Grant
Image : Adam Arkapaw
Avec Lucas Pittaway (Jamie Vlassakis), Bob Adriaens (Gavin), Louise Harris (Elizabeth Harvey), Daniel Henshall (John Bunting)...   
 


Critique
 
Alors que les productions venues d’Asie ont quelque peu marqué le pas l’année dernière –mais leur qualité n’est pas forcément en cause, peut-être est-ce seulement le résultat de mauvais choix de la part des distributeurs- le cinéma australien connaît un retour en force sur les écrans hexagonaux, avec notamment des projets extrêmement audacieux de jeunes cinéastes. David Michôd s’est ainsi fait remarquer en 2011 avec une première œuvre puissante, Animal Kingdom (que je n’ai pas eu le temps de chroniquer). Il y a eu également Sleeping beauty de Julia Leigh (malheureusement pas programmé à Dijon). On citera également des réalisateurs plus expérimentés, comme Andrew Dominik, auteur du très stylisé Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, ou encore John Hillcoat, dont deux films sont sortis en France au cours des dernières années, La route, puis, à la faveur du succès de ce dernier, The proposition, un western rugueux, dans la lignée du cinéma de Peckinpah.

C’est au tour de Justin Kurzel de nous livrer un premier long métrage… glaçant… Et oui ! Je cède à la mode d’un vocabulaire que j’ai considéré avec un peu d’ironie dans ma critique de A dangerous method… Cependant, je ne vois pas d’autre terme pour rendre compte de la descente aux enfers de Jamie…
 
 
Les-crimes-de-Snowtown-2.jpg 
Pour évoquer le lugubre quotidien dépeint dans Les crimes de Snowtown, je pourrais reprendre une partie de la critique que j’ai consacré à Winter’s bone : Debra Granik nous offre une peinture de l’Amérique des laissés-pour-compte dont la noirceur oppressante a quelque chose de terrifiant : terrains boueux, paysages désolés, masures menaçant ruines… Je sais, c’est assez narcissique –et un peu facile- de se citer, toutefois il existe une étonnante parenté entre les milieux décrits (sous-prolétariat), les thèmes abordés (absence de la figure paternelle, violences intrafamiliales…) et le style naturaliste de ces deux œuvres, même si les décors sont dissemblables : le spectateur n’est plus plongé dans les paysages fangeux et glacés des monts Ozarks, mais dans la poussière suffocante australienne… 
 
Le propos des deux films est néanmoins très différent. Ree Dolly (Jennifer Lawrence) ne subit pas passivement la cruauté de son entourage. Elle se bat. Et à aucun moment elle ne semble tentée d’imiter ses bourreaux. L’attitude de Jamie est plus ambiguë. Il est certes victime, pourtant jamais il ne montre de signe de révolte, comme s’il consentait aux sévices dont il est la cible. De plus, il se laisse entraîner au fond de l’abîme par John avec une malléabilité qui interroge. Le point de rupture est cet instant où, sans contrainte (du moins physique), il accepte d’abattre le chien de ce dernier. Et si l’insondable barbarie dont il se fait le complice était finalement inhérente à sa nature ? Le réalisateur ne nous apporte pas de réponse. Il nous laisse dans la position –inconfortable- de témoin. A nous de nous forger une opinion, de juger. Ou pas. On est un peu dans la situation de l’élève Törleß observant les actes de cruauté de ses camarades et le masochisme de Basini, dans le film de Schlöndorff, dont j’ai parlé il y a peu. 
 
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La mise en image de cette trajectoire terrifiante est âpre, mais sans effets inutiles. Si ce n’est la pénible scène de la salle de bain, Justin Kurzel montre peu, disséquant le mal à l’œuvre, sans chercher le spectaculaire sordide et nauséabond si courant lorsqu’un tel sujet est porté à l’écran. Un traitement qui donne une force vertigineuse au film. D’autant que celui-ci est porté par deux interprètes exceptionnels. Deux inconnus. Daniel Henshall et Lucas Pittaway. Le premier confère à son personnage une bonhomie qui rend sa perversion encore plus perturbante. Par son jeu très intériorisé, le second fait de Jamie un abîme de mystère. 
 
Justin Kurzel fait donc des choix toujours pertinents. Assurément, un auteur à suivre… 
 
Ma note - 4/5
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W
Pas complètement convaincu par ce drama australien.
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M
C'est vrai que le cinéma australien semble se réveiller un peu, et puis tous les films que tu cites sont des réussites, ce qui montre le nouvel élan des réalisateur au pays des kangourous (Weir,<br /> ancien chef de file, est vieux maintenant et puis il s'est vendu à Hollywood !).<br /> Quant au film, tu en parles très bien aussi tu sais ;) Ah, cette scène dans la cuisine où Jamie verse du côté obscur, quel choc. La scène m'a glacé d'effroi, surtout par rapport à John et son<br /> regard de prédateur fou qu'il pose sur Jamie.<br /> Je ne pensais vraiment pas que tu allais aimer ce film (je te voyais déjà descendre avec hargne la scène où Jamie est abusé par son frère et celle dans la salle de bains !). Comme quoi tu es plein<br /> de surprises, mon cher Christophe ;)
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C
<br /> <br /> J'étais sans doute dans un mauvais jour pour Kevin  Mais c'est vrai que les films austrailens dont je parle<br /> (exception faite de Sleeping beauty, que je ne peux juger, car pas vu) sont des réussites.<br /> <br /> <br /> <br />